Convertissez vous …
SI VOUS NE VOUS CONVERTISSEZ PAS,
VOUS PÉRIREZ TOUS DE MÊME
HOMELIE POUR LE IIIe DIMANCHE DE CAREME
ANNEE C
Luc 13, 1-9
Les jours et les semaines passent et notre marche vers Pâques se fait plus précise. Les textes de ce dimanche nous invitent à accueillir Dieu qui veut libérer son peuple. Cette libération doit passer par un engagement résolu sur le chemin de la conversion. Pour nous faire comprendre combien c’est important, Jésus part des événements qui ont frappé les esprits.
Il n’y a aucun lien entre la souffrance et le péché.
L’Évangile nous parle des gens qui viennent à Jésus pour lui parler des Galiléens que Pilate avait fait massacrer pendant qu’ils offraient un sacrifice. Leur sang avait été mêlé à celui des animaux, ce qui était l’injure suprême ; alors on s’interroge : comment expliquer un sort si horrible ? Beaucoup pensent que c’est un châtiment de Dieu. Ils en déduisent que s’ils sont épargnés, c’est qu’ils sont irréprochables.
Aujourd’hui, Jésus réagit très fermement contre cette manière de voir. Il rappelle que les malheurs qui s’abattent sur le monde et sur les hommes ne viennent pas de Dieu. Il n’y a aucun lien entre la souffrance et le péché. Un autre jour, on posera à Jésus la même question au sujet de l’aveugle-né : « Qui a péché pour qu’il soit né ainsi, lui ou ses parents ? » Et Jésus répondra : « Ni lui, ni ses parents. » Tout l’Évangile nous dit et nous redit inlassablement que Dieu est amour. Il n’est surtout pas un comptable des péchés, un justicier sans cœur.
« Je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »
Jésus lance une invitation qu’on traduit habituellement par ceci : « Je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » D’autres traductions parleront de « repentir ». On essaie ici de traduire le verbe grec metanoein. Littéralement, il signifie : changer d’idée.
Mais à quel changement l’évangile fait-il référence au juste ? Que devons-nous changer en nous ? Si nous nous considérons chrétiens, y a-t-il encore des choses à changer ? Quoi au juste ?
Pour bien comprendre l’enjeu auquel fait référence Jésus ici, je préfère traduire metanoein comme ceci : accepter d’être transformé par la vie, qui est en fait une façon de changer d’idée en fonction de la vie. Une intervention policière qui se termine dans le sang, un édifice qui s’écroule sur des gens sont des événements sans doute exceptionnels, mais ils sont un cas parmi les millions d’événements qui façonnent notre vie. La seule attitude vraiment humaine et à laquelle s’attend Jésus, c’est de laisser ces événements nous marquer, nous buriner le visage, bref nous transformer.
Entrer dans la vie, c’est nous ouvrir les yeux et le cœur à tous ces événements de la vie, pour les laisser nous parler et nous éduquer. Les refuser, les laisser passer comme l’eau sur le dos d’un canard, c’est refuser de vivre, c’est accepter de mourir.
La grande difficulté de la vie, c’est de vivre le présent.
Quand on est jeune, on a hâte d’être grand, d’avoir 18 ans pour son permis de conduire, d’avoir un travail et une carrière, de fonder une famille : la vie est dans le futur. Quand on est vieux, on est nostalgique de belles périodes en famille, de certains Noël avec les enfants, de moments doux avec son conjoint, de voyages extraordinaires : la vie est dans le passé.
Se laisser transformer par la vie, entrer dans la vie, c’est dire : la vie est dans le présent, elle se déroule actuellement, elle est mouvement perpétuel. Car vivre, c’est grandir constamment à partir de ce que nous vivons chaque jour. Voilà ce que signifie la parabole du figuier qui termine l’évangile de ce jour : l’arbre aurait déjà dû donner ses fruits, mais il est encore temps, car il est en vie… pour l’instant.
Peu importe notre âge, nous avons tous en commun une réalité : le présent. Cela relève de notre décision de l’accepter ou de le refuser. Jésus vigneron s’attelle lui-même au travail de notre conversion : il bêche sa vigne, souvent, et il ajoute à chaque fois quelque poignées d’un engrais dont il a le secret, un engrais spirituel à base d’humilité, de simplicité et de courage, avec une bonne dose de confiance.
« J’ai vu la misère de mon peuple… Je connais ses souffrances. »
Le livre de l’Exode (1ère lecture) nous annonce une bonne nouvelle. Moïse découvre que Dieu est un feu ardent. Plus tard, saint Jean dira que « Dieu est amour ». Cet amour est un feu qui ne se consume pas car il est éternel. Il va en priorité vers les pauvres, ceux qui sont opprimés et exploités : « J’ai vu la misère de mon peuple… Je connais ses souffrances. » Le vrai Dieu est avec tous ceux qui sont opprimés et réduits à la misère. Il est avec eux pour les délivrer. Mais il ne veut pas le faire sans nous. Rappelons-nous ce que disait Saint Augustin : « Dieu nous a créés sans nous mais il ne peut pas nous sauver sans nous ».
L’Unité pastorale Boetendael, l’entr’aide, Caritas et divers organismes nous donnent l’occasion de concrétiser ce chemin de conversion. Aujourd’hui comme autrefois, Dieu voit la misère de son peuple. L’orgueil politique, la guerre affament les plus pauvres. L’accaparement des terres est phénomène très fort dans de nombreux pays et il y fait de nombreuses victimes. Tout cela, Dieu le voit. Et comme pour Moïse, il voit aussi notre capacité à réagir contre l’injustice et l’esclavage.
La conversion à laquelle Jésus nous appelle suppose un retournement profond.
C’est à ce prix que ns nous pourrons « donner du fruit à l’avenir, un avenir plus juste ».
Demandons à la Vierge toute sainte l’aide de sa prière. En elle « la grâce de Dieu n’a pas été stérile ». Nous la chantons comme la Vigne fleurie, la Vigne généreuse. Qu’elle nous aide à dire oui, le oui qui rend nos vies porteuses de Dieu, fécondes pour Dieu.
Abbé Willy Mrindi
