Homélies/Méditation

Toute la misère humaine…

est faite d’avarice.

Je tiens à vous exprimer toute ma reconnaissance pour votre soutien indéfectible ces derniers temps où j’ai été hospitalisé. Votre amitié et votre présence m’ont été précieuses et m’ont aidé à traverser cette période difficile. Je vous suis profondément reconnaissant pour tout ce que vous avez fait pour moi. L’Archevêque Luc Terlinden qui a visité notre Unité Pastorale pendant mon absence, le responsable décanal Jean Sadouni, l’équipe pastorale, les communautés religieuses, les maisons de repos, la chorale, les groupes de prières, les familles avec leurs enfants et ceux de la catéchèse m’ont accompagné par leurs pensées et leurs prières ferventes. Trouvez tous içi toute ma gratitude. MERCI !

Mc 12, 38-44 Mes chers frères et soeurs, il y a un parallélisme frappant entre la 1ère lecture et l’Evangile de ce dimanche. Deux veuves pauvres, une païenne et une fille d’Israël, ne se contentent pas de faire l’aumône avec un peu de superflu. Elles donnent de leur nécessaire, de ce qui leur est absolument indispensable pour vivre, et même pour continuer à vivre. Leur don n’est pas le résultat d’un surplus, de quelque chose que l’on a mis de côté pour les autres, mais atteint de plein fouet leur minimum vital et quand je dis « minimum vital », je ne parle pas de ce qui est calculé par notre société de consommation pour vivre décemment, mais de ce minimum requis pour continuer à vivre le lendemain, tout simplement pour survivre. 

Ces témoignages nous rejoignent : à la veille de l’anniversaire de l’armistice, nous pensons à ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour que nous puissions vivre dans un pays libre. À leur manière, ils ont tout donné. Nous n’oublions pas les victimes de toutes les guerres, des violences et des attentats. Nous penserons aussi aux familles endeuillées, aux enfants orphelins et à tous les grands blessés.

Mes frères et sœurs, de nos jours, nous sommes, hélas, dans un monde où les gens, à quelques centaines de kilomètres les uns des autres, sont, les uns, trop maigres parce qu’ils ne peuvent pas manger, les autres, très maigres parce qu’ils se mettent au régime pour garder la ligne. Les uns voudraient bien un peu plus, les autres se méfient du « beaucoup trop ». Vous me direz que, dans ce cas, le résultat est le même et que tous ont la « ligne », soit par défaut, soit par excès. Mais, le cœur, là-dedans ? La générosité ? Le souci des autres, y trouvent-ils leur compte ? 

La veuve de Sarepta va puiser ses dernières gouttes d’eau et d’huile, en pleine période de sécheresse pour Elie, un étranger de passage, un homme qu’elle ne connaît pas. Puis il lui demande du pain, elle n’en a plus, sinon une poignée de farine et un reste d’huile dans un fond de vase. « Eh bien soit… tu mangeras et ensuite nous mourrons ». Quant à la veuve de l’Evangile, Jésus remarque : « Elle a tout donné, tout ce qu’elle a pour vivre ». Dans les deux cas, il s’agit d’une offrande qui engage la vie de celui qui offre, offrande qui devient sacrifice de soi, risque de son existence même, mise en jeu de tout ce qui nous reste. « Bienheureux les pauvres », eux seuls savent partager parce que, ce qu’ils donnent, c’est de leur vie même, qu’ils l’ôtent. L’Evangile nous le rappelle aujourd’hui : Suis-je capable de risquer ma vie personnelle ? En donnant : est-ce-que je me donne lorsque je donne aux autres ?

Pour une fois, l’Evangile réjouit la bonne vieille sagesse ordinaire qui dit : « La manière de donner vaut mieux que ce que l’on donne » et même en allant plus loin, on pourrait dire que « la manière de refuser vaut mieux que si l’on donnait n’importe quoi et n’importe comment », car refuser peut être parfois un signe d’amour plus vrai que de céder à une fausse pitié qui n’est qu’une manière de se débarrasser de quelqu’un qui nous gêne. A travers la Parole de ce dimanche, Jésus nous dit que le véritable chemin est l’humilité dans l’amour. L’humilité qui fait que l’on s’efface devant l’autre au lieu de jouer au grand chef. Le véritable chemin est l’humilité qui se fait écoute, compréhension, service du prochain … Jésus est venu élever les humbles et relever les blessés de la vie. Il fallait son regard pour voir ce qui se passait dans le cœur d’une personne et pour mettre en relief ce que les yeux des hommes ne peuvent voir. Laissons-nous regarder par le Christ, et regardons avec son regard. Tout donner jusqu’à sa propre vie, telle est la leçon de ce dimanche. Tout donner avec le Christ qui, le premier, a tout donné. 

Permettez-moi de vous citer ce beau texte d’Isabelle Rivière. Il nous révèle que le don est d’abord une affaire de cœur, une affaire de « don de soi » qui nous engage : « Toute la misère humaine, dit-elle, est faite d’avarice, la misère du corps ; du refus de donner son bien, la misère des âmes ; du refus de donner son temps et son cœur ». Toutes les souffrances aiguës ou sourdes, toutes les amertumes, les humiliations, les chagrins, les haines, les désespoirs de ce monde sont une faim inapaisée, faim de pain, faim de secours, faim d’amour. Beaucoup ont souffert d’un manque d’amour, d’une lésinerie d’amour. Chacun avait droit à un morceau de la vie et du cœur d’un Autre, que cet Autre lui a refusé. Chacun avait besoin pour vivre de ce qu’un autre a réservé pour soi, qui lui était inutile et qui s’est gâté, faute d’emploi. Il y avait une gitane qui quémandait à l’entrée d’une église où j’ai travaillé pendant 15 ans au centre-ville de Bruxelles. Un jour elle demanda au curé de garder son gobelet qui contenait quelques pièces de monnaie pendant qu’elle allait chercher de quoi manger pour son enfant qui pleurait de faim. Le curé s’assit devant le gobelet à la porte d’entrée. Parmi les gens qui rentraient dans l’église il y en a qui versaient quelques monnaies dans le gobelet mais personne ne s’était rendu compte que Monsieur le curé était assis là ! On ne sait plus se regarder en face ! Pourtant, on a plus besoin de celui qui donne que de ce qu’il donne. On peut donner, certes, mais, jamais donner sans se donner. Est-ce-que je m’engage dans mes dons ? Est-ce-que je me donne dans ce que je donne ?

Dans l’Evangile, lisez-le bien, on ne voit jamais Jésus donner quelque chose : il ne faisait pas la charité, il était charité, il était l’amour. Dieu ne donne pas, il se donne, il est inséparable de ses dons. A chaque fois qu’il donne, c’est lui qui s’offre lui-même que ce soit au Baptême, à la réconciliation, à la Communion, à la Croix. Jésus est toujours don, mais aussi et toujours « Don de soi ». Jésus n’a rien, mais il donne tout en nous donnant sa vie, son Corps, son Sang, tout. Rappelez-vous aussi ce boiteux qui se tenait à la porte du Temple de Jérusalem alors que passent Pierre et Jean : il mendie, il espère quelque chose. Pierre lui déclare : « Je n’ai rien, mais ce que j’ai, je te le donne ». « Au nom de Jésus, lève-toi et marche ». « Je n’ai rien », mot de pauvreté, mais ce que j’ai, je te le donne. C’est la réponse de la veuve de Sarepta à Elie. Ce sont les deux piécettes de la veuve du Temple. C’est aussi la réponse de Jésus à son Père : « Tu n’as voulu ni sacrifices, ni holocaustes, alors j’ai dit « Père, me voici pour faire ta volonté ». 

Dans l’Apocalypse 3, 20 Jésus nous dit : « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. » Que cette eucharistie soit pour nous un moment d’offrande à Dieu de tout ce que nous sommes dans une confiance totale, une occasion d’ouvrir la porte. Et que Jésus par son Corps et par son Sang partagés nous entraîne à sa suite pour réaliser de plus en plus en union avec lui, par lui et en lui une offrande totale de toute notre vie qui appartient à Dieu et qui retourne à lui à chaque jour que nous vivons.

Sources : Revues liturgiques, Homélies pour l’année B (Amédée Brunot) – au service de la Parole (Bernard Prévost) – Guide Emmaüs des dimanches et fêtes (JP. Bagot) – Commentaire de Sœur Claire. Lectures bibliques des dimanches: Année B Albert Vanhoye.

Abbé Willy Mirindi

Homélie pour le 32ème dimanche ordinaire

10 novembre 2024

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