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2 – Regarder courageusement …

… ce qui se passe dans notre maison commune

Deuxième semaine du Temps de la Création

Dans le cadre de ce « mois de la création », le thème de ce dimanche nous invite à « regarder » ce qui se passe dans notre « maison commune » !  Il y a plusieurs façons de regarder, mais ici il s’agit d’utiliser le « regard du cœur » pour entrer dans « l’admiration du Créateur et de la création », afin d’ouvrir notre conscience et nous repentir de « nos péchés écologiques » et ainsi progressivement adopter, avec la Grâce de Dieu, des modes de vie avec moins de gaspillage et moins de consommations inutiles.  Pour alimenter ce regard je vous propose de nous attarder sur l’expression « maison commune ». 

Qu’entend-t-on par notre « maison commune » ?

« Notre maison commune » me direz-vous, c’est de toute évidence notre terre en fonction du courant de pensée écologique actuel et d’ouverture à une communauté universelle.
Elle est donc la maison de l’homme, de tous les hommes, et des créatures qui y vivent. 
Mais pour nous chrétiens, elle est aussi la maison de Dieu, du Logos, le Verbe de Dieu.
«1. Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. (…) 11. Il est venu dans son propre bien et les siens ne l’ont pas accueilli. » (Jn 1, 1 ; 11)
Notre terre est bien notre demeure,
« Le ciel appartient au Seigneur du Ciel, la terre il l’a donnée aux fils d’Adam »(Ps 115, 16),
mais elle est aussi la demeure du Logos de Dieu,
« Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous (le grec dit : dressa sa tente). (Jn 1,14)
Si cette terre est la demeure de Dieu, du Logos, pour nous les chrétiens, à côté de toutes les raisons que partageons avec les autres hommes, nous avons la responsabilité de la sauvegarder.  Nous contemplons la création comme une maison commune, c’est-à-dire celle du Logos et des hommes. Et c’est parce qu’elle est la demeure du Logos, que la terre est notre terre.  
Dieu n’a pas simplement créé la terre.  Il l’a créée comme sa demeure et il nous l’a donnée.  La terre qui devient ainsi une demeure de communion où Dieu nous partage sa vie et sa présence ( « (…) et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » Matt 28,20).  Voilà pourquoi notre maison commune ne peut pas devenir une simple maison de domestication et que nous sommes appelés à la sauvegarder.  Cette reconnaissance est primordiale, car elle évite le risque d’un anthropocentrisme exacerbé (une domination de l’homme sur la création) qui a malheureusement cours aujourd’hui.

Dieu nous a donné la terre comme chemin du Salut

 Si cette terre est la demeure du Logos, elle est alors aussi le lieu de notre chemin de Salut et de celui des générations à venir.  Négliger la terre ou être indifférent à sa destruction progressive, c’est nous couper, ainsi que les générations suivantes, du Salut promis par Le Christ.  
Donc Terre de Salut veut dire lieu de la présence et de la rencontre de Dieu. De ce fait le chrétien a pour mission de sauvegarder la terre, sauve-garder, garder ce qui est sauvé[1], et ce pour le bien de tous les hommes.  Se détourner de cette mission et ignorer la dégradation en cours de notre terre est donc bel et bien un péché car c’est se détourner de Dieu. 

L’écologie intégrale comme nouveau paradigme de la justice sociale

La mission qui nous est confiée par Dieu ne concerne pas uniquement de la préservation de la nature, elle concerne aussi l’attention que nous avons à porter aux victimes de la dégradation environnementale, surtout aux plus fragiles.  Le cœur de l’encyclique Laudato Si’ est l’écologie intégrale comme nouveau paradigme de la justice sociale, c’est-à-dire une écologie « qui incorpore la place spécifique de l’être humain dans ce monde et ses relations avec la réalité qui l’entoure. »[2] 
Si notre terre est le lieu de la présence et de la rencontre de Dieu, alors il faut être attentif aux cris des pauvres : « Pour l’Eglise, l’option pour les pauvres est une catégorie théologique avant d’être culturelle, sociologique, politique ou philosophique. Dieu leur accorde sa première miséricorde. »[3]  Et Jésus nous dit dans l’Evangile de Matthieu que rencontrer les plus petits, les plus fragiles, ceux qui ont faim et qui ont soif, c’est se rapprocher de Dieu :  « (…) dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »[4]
Remarquez, dans ce passage d’Evangile, il est tout de même étonnant que tant les bénis que les maudits n’ont pas reconnu Dieu, le roi, dans la multitude de ces petits qui ont eu faim !  Et même les maudits semblaient être prêts à servir un roi.  
La manière dont nous réagissons devant la fragilité, le regard que nous portons sur l’humain, dit quelque chose de notre attachement à Dieu.  La prise de conscience de la faiblesse humaine et ce qu’elle provoque en nous est révélatrice de ce qui se cache en notre humanité. 

Changer de regard

Il nous faut changer de regard, passer du regard extérieur au regard intérieur.  Un regard contemplatif « capable d’apprécier profondément les choses sans être obsédé par la consommation »[5] qui nous conditionne à accumuler et qui nous détourne de Dieu.  
Saint Bonaventure nous enseignait à ce sujet : « la contemplation est d’autant plus éminente que l’homme sent en lui-même l’effet de la grâce divine et qu’il sait trouver Dieu dans les créatures. »[6]
Dieu a créé le monde et il l’a comblé de ses bénédictions.  Tout ce qui existe porte en soi une empreinte, une mémoire qui renvoie au Père.  « Cela signifie que dans tout ce qui existe, le Père se donne, et nous pouvons le rencontrer, nous pouvons avoir une certaine expérience de son amour, percevoir une étincelle de sa paternité.  Il n’existe rien, si petit ou si pauvre soit-il, qui ne porte en soi son origine, ou qui puisse la perdre complètement. »
Osons donc porter un regard contemplatif sur notre monde et laissons-nous toucher par Dieu.

Jean Sadouni


[1] J’emprunte ce jeu de mot au théologien A. Gesché dans son livre : le cosmos. Dieu pour penser. Ed. Cerf
[2] Laudato si’ : 15
[3] Evangelii Gaudium 128
[4] Matt, 25, 40
[5] Laudato si’ 222
[6] Laudato si’ 233



TEMPS DE LA CREATION

Temps d’un regard

Cette semaine :
Regarder avec Courage
La semaine prochaine:
Changer de Regard


Le destin de l’homme
détermine
le destin du monde

La Création est donc un lieu où nous sommes invités à découvrir une présence. Mais cela veut dire que c’est la capacité de communion de l’homme qui conditionne de l’état de la Création. C’est là notre grande responsabilité. Lorsque nous ne parvenons pas à déchiffrer la présence qui habite les choses, tout devient banal et opaque, cesse d’être un moyen de communion et devient une occasion de tentation et de chute. Tout cela débute dans le cœur de chacun de nous et se diffuse à travers nos pensées, nos intentions, nos comportements, nos habitudes, aussi bien au niveau individuel qu’à celui de groupes sociaux. Pour faire partie de cette chaîne qui banalise ou défigure le don de la Création, il n’est pas nécessaire alors d’être des criminels : il est « suffisant » de ne pas reconnaître le don que représente l’autre – n’importe quel autre – du parent au voisin, du collègue de travail au pauvre que je croise sur ma route, de l’ami au migrant qui cherche du travail ou un appartement dans lequel vivre…

Ce qui se passe dans le cœur de l’homme a une signification universelle et s’imprime dans le monde. C’est donc le destin de l’homme qui détermine le destin de l’univers.

Extrait d’un texte inédit du pape François
et repris dans le livre :
“Notre mère terre. Une
lecture chrétienne du défi de l’environnement.”

Ed. Salvator. 2019