Coups de coeur

Je n’ai jamais aimé Noël

A la mémoire de Bernadette Williame-Ugeux

Je n’ai jamais aimé Noël.
Peut-être pas la célébration religieuse elle-même mais tout ce qui l’entoure, surtout la proximité du Nouvel-An avec son obligation de fêtes, de bruit et de musique pour montrer qu’on doit être heureux. Sans doute aussi des souvenirs de ma jeunesse où Maman supportait plus mal encore son veuvage et sa solitude malgré ses 5 enfants. Et peut-être aussi à cause de ces journées plus courtes et plus sombres, le froid et l’humidité…Encore maintenant je suis contente quand le sapin dénudé est déposé sur le trottoir et que la vie reprend son cours normal.

Je pense déjà que bientôt c’est Pâques, qui veut dire promesse de renouveau, de soleil, de printemps …
J’attendais donc Pâques avec un peu d’impatience d’autant plus que depuis quelques années les « autorités ecclésiastiques » m’avaient proposé (comme à Marie, à Françoise) de participer activement aux préparations des célébrations religieuses. Et l’arrivée de Jean y apporterait certainement un souffle nouveau. Ces préparations m’ont permis de découvrir et comprendre bien des choses dans ces liturgies, et à chaque question de ma part une réponse pleine de gentillesse et de patience par l’un ou l’autre des célébrants.

Mais cette année… rien que le silence autour de nous.

Ni Emile ni moi n’avons accroché aux retransmissions télévisées. L’atmosphère nous a semblé pesante voire triste, le silence étourdissant autour des célébrants, la rumeur des fidèles même silencieux et recueillis, la ferveur, la communauté de prières, sentir les autres autour de nous … tout cela nous manquait.

Nous avons écouté le message papal, l’image de cet homme seul devant ses micros, priant pour tous ceux qui étaient dans la peine et nous transmettant tout de même un message de paix, d’amour, de pensées aux autres… cela nous a suffit, nous avions notre dose.

Et tâchons de profiter de ce qui nous est donné de grandement différent cette année.

Nous attendrons donc comme tout un chacun, l’année prochaine pour retrouver cette atmosphère si particulière et qui me plait tant :
Pâques, la renaissance après la douleur et la mort, le renouveau du printemps et ses espoirs, les belles et enrichissantes célébrations .

Je pense qu’en plus de 50 années de mariage nous n’avions pas encore connu une telle période « à nous deux tous seuls ». Dans notre plutôt grande maison nous avons la chance inouïe de ne jamais nous marcher sur les pieds, un jardin assez grand pour nous permettre d’avoir mal au dos le soir quand on y a travaillé toute une journée: Emile à son potager et moi (avec l’aide aussi d’Emile, les fleurs). Plus privilégiés encore avec le parc devant chez nous pour les jours où nous avons besoin de côtoyer quelques promeneurs (surtout ceux avec des chiens à certaines heures), des voisins attentifs les uns aux autres.

Nous connaissons notre chance et nous l’apprécions. Cette année , nous redécouvrons avec beaucoup de plaisir la nature et toutes ses richesses. Le ramage des oiseaux (quel dommage de ne pas reconnaître leurs chants) leur ballet incessant autour des mangeoires disséminées dans le jardin, les écureuils qui s’y installent de longues minutes tant leur gourmandise est longue à rassasier, le bruit du vent dans les arbres aux feuilles encore fragiles, le soleil déjà bien chaud…Nous n’avions rien oublié de cela, ni Emile ni moi, mais cette année on savoure encore et encore car nous avons le temps ET le silence autour de nous.

On nous dit de cette nature malmenée, en péril, quasi morte ou tout du moins tellement martyrisée par nos agissements traumatisants que bientôt nous ne pourrons plus en profiter.

C’est certainement exact si nous ne nous reprenons pas car c’est elle qui nous envoie cette année un superbe message plein d’encouragement pour le futur. Avez vous remarqué que là où les herbes des chemins étaient piétinées, tout est redevenu vert maintenant qu’on n’y marche plus, les terrains de sport aux plaques de boue devant les goals ont des pelouses où fleurs jaunes et blanches de ce printemps ont repris tout l’espace, avez vous lu que les animaux sauvages s’approchent plus des zones habitées car ils ne sont plus effrayés par les agressions sonores et envahissantes des hommes, avez vous vu que les poissons reviennent plus près des rives et rivages parce que les bateaux et embarcations de tout genre sont réduites à l’inaction… Cette nature qu’on nous dit condamnée nous montre qu’il y a moyen de renverser le cours des choses, que c’est possible et qu’il faut y croire et se mettre à l’unisson d’elle. Il suffit de… la regarder, l’écouter, l’imiter et la respecter.

Bientôt nous aurons l’occasion de reprendre notre vie « d’avant » certes mais nous ne devrons pas oublier d’y apporter quelques changements…indispensable.

J’entends encore mon beau-père nous dire, il y a quelques années, dans le calme relatif de sa fin de vie et le repos qu’il devait accepter qu’il « entendait les feuilles pousser sur les arbres » et je riais en lui disant « tout de même, Papa, il ne faut pas exagérer ». Quel dommage qu’il ne soit plus là car je suis sûre que cette année, près de lui j’entendrais aussi les feuilles grandir.

Et toute cette bafouille je la dédie à ceux et celles auxquelles je pense et qui ne peuvent en profiter maintenant, j’ai l’espoir que bien vite elles et ils pourront à nouveau entendre les oiseaux et voir le renouveau de toute cette belle nature qui nous entoure et nous envoie de tels signaux d’espérance.

Bernadette.

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